Danses chamaniques
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Premier-né de tous les arts
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Rites
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Tout danse, tous est danse
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Expression du divin en soi
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La nature danse
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L'animal danse
Premier-né de tous les arts, la danse naquit avec la vie. Elle marque l'existence humaine dès sa création.
Toutes les civilisations qui nous ont précédé, ont utilisé la danse pour
décrire le rythme des saisons, les mystères de la vie et de la mort, l'alternance du jour et de la nuit du soleil de la Lune …
Chaque composant de notre corps possède un rythme propre, binaire pour le cœur, circulaire pour la tête, en spirale pour les cellules.
Nous avons en nous tous les rythmes universels, c'est ainsi que certaines peuplades pratiques des danses de libération des forces qui les animent afin de rétablir l'harmonie et ainsi permettre
l'expression de toutes les émotions humaines, de tous les événements de la vie terrestre. Tout au long de son histoire, l'homme a tenté, par la danse, d'exprimer sa participation à la « conquête
de l'espace ».Dans la danse bat le cœur du monde et comme l'écrit Maurice Béjart : « l'art véritable n'a pas pour but de faire évader, mais de recentrer de ramener à soi, aux vrais moi »
Le cosmos recèle dans sa complexité fatalement inépuisable, la danse sans début et sans fin du créateur et du créer.
Dans une vision ou vie, sciences, connaissances et consciences se confondent, comment ne pas penser aux premiers de nos congénères qui, levant leurs yeux éblouis ont cherché dès l'aube de
l'humanité à intégrée et retranscrire les mouvements cosmiques ressentis jusqu'aux tréfonds de leurs âmes, cherchant probablement la constellation de la danse. C'est elle qui sera notre premier
guide, nous amenons pas à pas la danse du cosmos à la danse de l'homme.
Tel fut le désir des premiers êtres humains : se fondre dans une danse infinie, dans une vertigineuse ronde sur soi-même, image poétique de l'itinéraire cosmique qu'ils allaient entreprendre.
L'homme, partie intégrante du cosmos, il vit depuis ses premiers balbutiements, ces danses, qui le fait remonter vers le macrocosme alors qu'ils tentent d'exprimer simultanément les forces qui
l'animent, lui, le microcosme.
L’homme primitif projete en quelque sorte, le ciel sur la terre, établissant ainsi un dialogue naturel entre l'homme et son environnement.
Entrons dans le monde des étoiles et découvrons peu à peu, la nécessité absolue pour l'homme de s'exprimer par la danse. Il est très intéressant de constater, que toutes les civilisations ont
utilisé les mêmes structures évolutives. Esquisser la danse s'est mimer la marche des étoiles, c'est aussi dessiné sur terre la projection de la course du soleil et de la Lune.
Rites
Pour qu’il y ait rite, il faut qu'il y ait transmutation. Pour que cette
alchimie profonde puisse avoir lieu, il est donc indispensable de définir l'espace, représentation symbolique et matérielle de la puissance intérieure qui se structure, s'éloignant du chaos
primordial, au cours des célébrations. Dans toutes les civilisations qui nous ont précédé, on retrouve un lieu de culte, permettant à l'homme de se recueillir et de se joindre à la puissance
divine qui le fait vivre, qui l’anime. L’architecture de ces lieux sacrés permet au microcosme humain de se mettre en mouvement, de s'animer. Le rituel peut avoir lieu.
La danse sacrée devient alors la projection du mouvement perpétuel qui se fixe dans l'espace, le temps d'une respiration. « Le rythme est semblable au battement de notre cœur, une dilatation, une
contraction suivie d'une imperceptible retenue » avait coutume de dire, dans ses cours, le pianiste Alfred Cortot.
Toutes les étapes de la vie des êtres humains sont parcourues par la danse, et si chaque civilisation à son propre rituel pour exprimer la naissance ou la mort, il n'est pas rare de retrouver de
nombreux points communs entre chacune. Tout naît, tout vit, tout meurt pour renaître…
Le premier acte rythmé par la danse de toutes les sociétés primitives est la naissance, lié très souvent au rite de fécondité de la nature ; ce sont les danses de fertilité. L'enfant qui
vient au monde est fils du ciel et de la terre, il représente également dans beaucoup de civilisation, surtout s'il est un garçon celui qui assurera la descendance, la continuité.
L'un des plus beaux rites de passage donnant lieu à une danse magique est sans nul doute la danse nuptiale. Il s'agit d'une danse de transmission d'énergie qui se doit d'être divine. Ces danses
toujours liées au feu ou, et à l’eau, sont symbole de purification et d'amour. Leurs racines se recherchent dans les danses animalières que nous étudierons dans un premier temps. Elles sont
souvent masquées, l'utilisation des masques étant par essence magique. Le masque, dans la danse sacrée en général, concours à l'irréalité et autorise le danseur à manifester le soi en occultant
alors sa personnalité. Le danseur masqué peut être possédé par les énergies spirituelles émanant des masques mais il peut également être protégé par celui-ci.
L'enfant devenu homme doit apprendre à se battre et les danses guerrières
propres à toutes les peuplades en témoignent : il s'agit ici de donner aux guerriers l'énergie pour vaincre. Cette énergie ne peut qu'être spirituelle, ces danses ont donc magnifié cette
puissance et en même temps placer les combattants sous la protection divine. Ce seront souvent des danses d'identification, résonance entre l'extérieur et intérieur.
Enfin, comme tout naît, vit et meurt, les rites funéraires sont de la plus haute importance. Dans les civilisations d'Extrême-Orient où vit ancrer la croyance en la réincarnation, les danses des
morts revêtent une conséquence particulière qui a sont là pour soutenir la transmigration de l’âme, afin que la prochaine vie soit meilleure. Les danses funéraires ont également pour but,
dans toutes les civilisations, de créer un mouvement symbolique entre le monde des vivants et celui des morts.
Tout danse, tous est danse
Sans doute, est-ce la verticalisation de l'homme qui fit naître en lui sa première vocation de danseurs alliés à la nécessité absolue de cet effet de miroir qu'il n'aura cesse de reproduire. Tout
danse, tous est danse sera le leitmotiv de la sublime partition qui se joue devant nous, « abandonner à l'extase de la danse spirituelle, ayant acquis le droit d'entrer dans le monde universel de
la création ».
L'homme installé dans sa position verticale, comme l'arbre dont il est si proche, et le médium entre le haut et le bas, créant le premier outil de communication : lui-même. La danse va lui
permettre de s’individualiser et de témoigner et des mystères cosmiques. Son corps véritable instrument de la musique des sphères, devient l'objet de cette interaction entre l'extérieur et
l'intérieur.
C'est à travers les rituels et les célébrations que l'homme-danseurs va chercher à inscrire dans l'espace ses aspirations divines ; il désire traduire par les mouvements de son corps les
projections célestes qu'il a intégré. Pour cela, il doit prendre conscience de son espace, le construisant et le détruisant chaque fois qu'il danse, telle la danse de Shiva, origine et fin de
tout. Le schéma de l'homme de Léonard de Vinci trouve ici toute son application.
Dans un premier temps, l'homme danseur est traversé verticalement par
l'énergie qui le relie à l'univers, c’est cette même énergie qui va lui permettre de se mouvoir, retraçant toutes les étapes de l'évolution humaine. C'est l'image de l'incarnation. Par
l'impulsion première, le feu de l'incarnation pénètre le microcosme humain et prépare le corps du danseur à agir dans l'espace et dans le temps. Ces mouvements s'organisent, ses points d'appui
dans le sol lui permettent de trouver l'équilibre qui font de lui un être vertical. Le danseur s’ancre alors dans son histoire et laisse se dérouler ces énergies le long de l'arbre de vie.
Dans un deuxième temps le danseur commence à déployer son rayonnement. Avec l'ouverture de ses membres il embrasse la création depuis l'origine des temps. Il démontre la transmutation nécessaire
pour que la matière animée reste spirituel. L'homme danseur doit garder en mémoire qu'il est tabernacle contenant le sacré dans son cœur, il doit l'ouvrir au monde pour entraîner ses semblables
dans une danse collective.
Enfin l'homme danseur prend conscience du souffle, ce souffle divin qui lui permet de commencer à se mouvoir, créant le geste juste. C'est l'échange qui relie en une alchimie régulière la vision
interne de l'esprit et celle, externe, du corps. « L'expiration est un écoulement des énergies vers la terre ; l'inspiration et réceptivité aux énergies célestes. »
La danse l'expression du divin en soi
Le danseur peut alors expérimenter les différentes orientations et découvrir les infinies possibilités de son corps centré autour de son axe, projeté sur le cercle qui l'entoure et qu'il crée
simultanément. Faisant et défaisant cette sublime partition, il devient alors tour à tour le chef d'orchestre, l'interprète et le compositeur. La danse lui offre la possibilité de retranscrire,
tel une symphonie, sa très longue et belle histoire d'amour, car c'est bien d'amour qu'il s'agit et nous verrons que tous les rituels, tous les espaces sacrés participent pleinement à
l'expression du don de soi, c'est-à-dire du divin en soi.
Les différentes forces qui vont animer l'homme danseur se croisent donc
en un centre, le cœur, point de départ et aboutissement de tout ce qui vit. Commencement de toute célébration, de toute manifestation de l'esprit dans la matière, l'homme danseur peut enfin
pleinement participer à la grande « pulsation qui rythme l'univers, qui est le fait de l'esprit manifestant ainsi son pouvoir structurant, organisateur ».
L'homme, « poussières d'étoiles », dont les danses les plus inspirés personnifient la nature cosmique, pourra laisser son corps transcrire dans l'espace, au fur et à mesure, cette quêtes des
profondeurs. Entraîné dans la ronde cosmique, nous assisterons à la naissance de l'homme danseur qui tel le cristal, offrira à nos yeux éblouis les multiples facettes de son talent.
La musique est indissociable de la danse, tous deux expriment l'harmonie cosmique, le rythme céleste ; c'est dans le cristal que l'on y découvre les premières manifestations. Sublime danse des
particules, la danse du cristal est la première matérialisation qui conduira l'homme danseur à faire jaillir les myriades de composantes lumineuses qui le constituent. La danse du cristal aidera
le danseur à devenir lui-même ce cristal. Par le mouvement inné qui l’habitera, dans la recherche de la purification de son cœur, l'homme danseur tentera de se mettre en résonance avec l'univers,
minérales, végétales et animales. Peu à peu il découvrira la part de cristal tapi en lui. Comme le cristal vibrera à l'unisson au diapason du cosmos. Les chamans en particulier ne se
serviront-ils pas des minéraux pour faire jaillir leurs visions donnant lieu à des danses magiques ? Le cristal n’est-il pas aujourd'hui pour soulager voir pour guérir les multiples maux
psychologiques et physiques de l'homme en quête de la danse du soi ? Sans oublier l'autre danse du cristal, celle des flocons de neige portant en chacun d'eux une parcelle unique de l'harmonie
cosmique, prête à danser dans le monde visible, l'espace d'un instant, la danse de la lumière.
La nature danse
La danse de la nature est une danse à quatre temps, la musique des
éléments nous entraîne dans la farandole des cycles éternels, à la découverte du rythme de la vie.
L'eau, premiers temps de la partition microcosmique, mémoire universelle de la création, par laquelle toute vie est créée. L’eau, divine matrice qui permet dans son expansion de rejoindre le
cosmos dans son infiniment grand, pour la danse des énergies dans l'espace. L’eau ritualisée, qui ouvre le cœur de l'homme à la présence divine. L'eau qui rythmera sa vie terrestre en l'initiant
aux mystères cosmiques. L'eau enfin, qui en toute humilité, se livre à nous, en fines gouttelettes dansant sur les feuilles et les fleurs. L'eau qui offre ses myriades d'Ondine à ceux qui veulent
les voir… danser.
Vint le feu, et son expression terrestre le soleil, qui offre à la « danseuse lumière » la plus belle scène imaginable : danser sur tout ce qui vit.
Feu. Feu rituel, un feu d'exorcisme, le divin qui anime toute chose, tu entraînes la nature dans une spirale purificatrice.
Les salamandres dansent le renouveau du printemps, puis illuminent l'été, écrit-il dans le feu de l'automne est dans la nature grâce à elle flamboie les arbres comme le coucher du soleil sur
l'horizon.
Enfin, pour que tous les cycles s'accomplissent dans le rythme universel, survient l'hiver, et la danse du feu se fait intérieure comme la vie autour de la cheminée où la flamme de la chandelle
qui vacille.
C’est le retour à l'unité.
Premier souffle de vie l'air permet l'expansion de la conscience. Il relie tous les êtres vivants au souffle primordial. Quel prodigieux ballet s'offre à nos yeux lorsque tourbillonnent fins
pétales ou feuilles jaunis d’où échappent les plus légers des gardiens de la nature !
Peut-on rêver danseurs plus accomplis que les sylphes qui entraînent dans une chorégraphie magique l'étoile nature ?
Quel prodigieux maître de ballet se cache derrière les mouvements harmonieux de chaque feuille d'arbre, de chaque brin d'herbe se balançant au gré du vent !
Enfin vient la terre, là où tout commence, là où tout s'achève, pour nous, êtres humains, afin que s'accomplisse le rythme merveilleux de l'univers. À l'image de son corps qui, pour mieux
exprimer le haut doit avoir construit sa charpente, le danseur est guidé vers son enracinement. Il peut s'entrer dans la terre, et laisser monter en lui, les forces telluriques, les gnomes qui
dansent sous ses pieds. Il sait, enfin, transmuter la matière et retrouver son mouvement originel.
Ainsi s'exécute le ballet orchestré de dame nature à condition que l'homme ne vienne point troubler cette divine organisation mais qu’au contraire, il s'en inspire afin de retrouver en lui
l'arbre frère auprès duquel il pourra, danser en grandissant… Grandir en dansant !
L'animal danse
Beaucoup de civilisations passées faisaient appel aux danses imitatives
animalières. Certain rituel dansé que nous trouvons encore, en particulier chez les chamans et en Afrique, étaient et demeure nécessaire pour les chasseurs.
Les danses imitatives avaient leur raison d'être : la chasse et la pêche étaient le seul moyen de se nourrir. Limitation des animaux permettait d'attirer les bonnes traces des dieux protecteurs
afin que soit fructueuse la capture : des danses calmes et lentes étaient de rigueur pour cette première partie. Il venait les danses nécessaires pour apaiser l’âme de l'animal abattu, en quelque
sorte un pardon pour la douleur occasionnée et un remerciement pour la pitance ainsi acquise. Cette coutume est toujours en vogue chez les chamans de Sibérie et dans des tribus africaines. Enfin
certaines danses étaient pratiquées pour s'approprier le pouvoir magique de l'animal.
« Mon désir d'être initié non pour devenir un dieu, mais pour retrouver l'étincelle sans laquelle nous ne serions rien… » René Lachaud.
Extrait de -Danse prière de l’âme et héritage sacré - Elisabeth ZANA